samedi 1 juillet 2023

La météo expliquée: Les feux de forêt et la qualité de l'air

À une certaine époque, l'on construisait des sanatoriums dans les Laurentides afin de guérir les tuberculeux. En effet, la qualité de l'air y était très bonne et elle faisait l'envie des malades ainsi que des touristes qui visitaient notre région. Loin des grandes villes et des industries les plus polluantes, notre havre de paix a semblé échapper aux épisodes de smog les plus importants jusqu'à maintenant. Or, il semble que les choses soient en train de changer. Dans ce nouvel article de la météo expliquée, je me propose de vous parler des «Mégafeux» ainsi que de la qualité de l'air.

Les Mégafeux

L'Australie, la Californie, la Colombe Britannique et plus récemment l'Alberta ainsi que le Québec. À chaque année, de plus en plus de régions du monde sont touchées par des feux d'une superficie et d'une intensité toujours plus grandes ainsi qu'aux comportements complexes qui les rendent plus difficiles à circonscrire. Ces feux hors normes dont l'origine est associée aux changements climatiques touchent des endroits relativement épargnés jusqu'ici. Bien qu'une définition scientifique tarde à venir sur le concept, un incendie de forêt doit avoir une vitesse de propagation très rapide, une intensité anormalement élevée, toucher des régions généralement épargnées, présenter des dégâts exceptionnels ou couvrir une surface de 1000 hectares en Europe et 10 000 hectares en Amérique afin d'être qualifié de Mégafeu. En brûlant plus longtemps et intensément, ces feux libèrent de très grandes quantités de fumée constituée de dioxyde de carbone (CO2), de méthane (CH4), d'oxyde nitreux (N2O), de fines particules inférieures à 2,5 micromètres (PM2,5) et d'autres inférieures à 10 micromètres (PM10) composées de suie, d'aérosols, de matière biologique comme des moisissures, des bactéries ou du pollen ainsi que des composés réagissant aux rayons du soleil (photochimiques) tels le monoxyde de carbone (CO), les composés organiques volatils non méthaniques (COVNM) et les oxydes d'azote (NOx) afin de former, entre autre, de l'ozone de surface (O3). Voici une image illustrant la provenance de différents polluants atmosphériques causés par l'activité humaine.

On remarque donc que la combustion du bois, résidentielle ou naturelle via les feux de forêt, est une source très importante de particules fines qui transportées par les vents touchent de larges régions souvent éloignées des villes ou viennent s'ajouter à la pollution urbaine causée par le transport routier et les industries pour former, sous l'effet du soleil, de la chaleur, de l'absence de vent ou d'une inversion thermique, le smog photochimique de couleur jaunâtre. La météo et le moment de la journée influencent donc fortement la qualité de l'air comme on le voit sur cette image.


Qualité de l'air

Il a beaucoup été question ces derniers temps de fumée et de particules fines (PM2,5). En effet, la fumée composée de suie, d'aérosols et d'autres composés chimiques constitue une source importante de particules fines très nocives pour la santé puisqu'elles pénètrent profondément dans le système respiratoire et sanguin. Nous n'avons qu'à penser à la fumée de cigarette par exemple. D'ailleurs, la composition chimique de la fumée est ce qui lui confère son odeur spécifique. Voilà pourquoi les différents types de tabac, de bois ou de plastiques dégagent des odeurs biens différentes lorsqu'ils sont brûlés. Il peut donc arriver que la fumée, le smog, certains gaz ou d'autres polluants soient inodores ou incolores. C'est donc dire que la qualité de l'air peut être très mauvaise et dangereuse pour la santé même si tout semble normal en apparence contrairement à l'épisode de smog historique observé au Québec le 25 juin 2023. Voir photo de la plage Tessier aux abords du Lac des Sables à Ste-Agathe-des-Monts (crédit photo Syntia Dubois Labelle).

De manière générale, pour qualifier l'air, 5 contaminants majeurs sont considérés pour leur dangerosité sur la santé:
  1. Les fines particules (PM2,5) ainsi que certaines particules plus volumineuses (PM10)
  2. L'ozone de surface (O3)
  3. Le dioxyde de souffre (SO2)
  4. Le dioxyde d'azote (NO2)
  5. Le monoxyde de carbone (CO)
Évidemment, d'autres composants chimiques dont les métaux lourds peuvent être très nocifs pour la santé. Toutefois, étant généralement localisés à proximité des usines productrices, ils ne sont pas monitorés de façon formelle ou continue. À l'inverse, les données recueillies par les stations d'observations concernant le type et la concentration des polluants seront fortement influencées par la proximité avec la ville ou avec une usine émettrice.

La dangerosité des différents polluants est évaluée en fonction des dommages à la santé qu'ils peuvent causer, de leur concentration ainsi que de la durée d'exposition. Les effet sur la santé peuvent aller d'une simple irritation des yeux ou des voies respiratoires au cancer. Ainsi, un seuil minimal d'exposition à ne pas dépasser dans le temps est établi pour chacun des polluants surveillés. Bien que les seuils peuvent être légèrement différents d'un état à un autre, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) suggère les seuils de concentration suivants exprimés en µg/m3 (microgramme/mètre cube d'air):


Évidemment, il peut être difficile pour le public de s'y retrouver et ainsi connaître les précautions à prendre. C'est pourquoi les différents organismes dévoués à la qualité de l'air dans les différents pays ou régions du monde ont développé leur Indice de Qualité de l'Air (IQA ou AQI en anglais). 

Au Québec et au Canada, l'indice est divisé en 3 paliers et comporte que des recommandation générales comme de limiter les activités extérieures intenses si l'on souffre de maladies chroniques lorsque la qualité de l'air est mauvaise:



Mauvais (51+)


Acceptable (26-50)



Bon (25 et moins)




L'indice est obtenu en divisant la concentration par la valeur de référence (seuil minimal de dangerosité) multiplié par 50. Par exemple:

Sous-indice PM2,5 = (51 µg/m3 / 35 µg/m3) X 50 = 73 (Mauvais)

En France, l'indice ATMO comporte 6 niveaux et les seuils sont alignés sur ceux choisis par l'Agence européenne pour la santé.


Aux États-Unis, le Air Quality Index (AQI-US) est aussi divisé en 6 paliers, mais fourni des recommandations plus spécifiques sur les précautions à prendre:



Le calcul de l'indice de qualité de l'air américain en fonction des concentrations des 5 principaux polluants est très complexe et il est préférable d'utiliser un outil pour le calculer. Il s'exprime toute de même de la manière suivante:

Dans les trois cas, l'indice correspond toujours à la valeur la plus élevée des sous-indices pour chaque polluant.


Exemple de calcul

Sous-indice O3 = (90 ppb / 82 ppb) X 50 = 55
Sous-indice PM2,5 = (51 µg/m3 / 35 µg/m3) X 50 = 73
Sous-indice SO2 = (49 ppb / 200 ppb) X 50 = 12
L’indice de la qualité de l’air correspond au plus élevé des sous-indices : IQA = 73


Prévisions et cartes sur la qualité de l'air

Afin de mettre en garde et conseiller le public des Laurentides en lien avec la qualité de l'air et la présence de smog puisque les épisodes s'annoncent de plus en plus nombreux, Météo Laurentides publiera désormais des mises en garde de smog et des cartes sur la qualité de l'air lorsque celle-ci constituera un risque pour l'ensemble dans la population (niveau 4 - Malsain pour tous). Toutefois, les autres types de mises en garde seront privilégiés avant ceux sur la qualité de l'air puisque dans tous les cas, comme pour l'utilisation de la crème solaire pour se protéger du soleil, le port d'un masque N95 permet, selon l'OMS, de vaquer à ses obligations extérieures de courte durée sans trop de risque puisque ce type de masque bloque notamment les fines particules (PM2,5). 

L'échelle proposée par Météo Laurentides pour qualifier l'air est un hybride des 3 échelles préalablement discutées avec une prédominance pour celle américaine. Le seuil de mise en garde pour les particules fines (polluant souvent le plus présent et nocif dans les Laurentides en raison de la combustion du bois) est de 35 µg/m3 sur une moyenne de 3 heures comme au Québec et/ou de 75 µg/m3 sur 24 heures tel que préconisé par l'OMS. 6 niveaux sont utilisés pour décrire la qualité de l'air et offrir des recommandations afin de se protéger comme l'échelle américaine. Finalement, le verbatim et les couleurs de l'indice s'approcheront de l'Indice ATMO.



 








Évidemment, il est souhaité que les Laurentides ne soient jamais frappées par des incendies de l'ampleur de ceux observés au Québec cet été. Quand on pense que le Québec est l'endroit au monde cette semaine où le plus grand nombre de feux et leur intensité sont remarqués, cela n'a rien de rassurant pour la suite des choses.